jeudi 21 février 2013

Des Juifs messianiques « trop » ou pas « assez » juifs…

La question est rarement posée en ces termes, mais elle est sous-jacente à bien des remarques qui nous sont faites, à nous Juifs messianiques, de la part de Chrétiens ou même parfois de Juifs, quoique pour des raisons différentes.

Sur le fond, la résurgence, en fait la latence de la question identitaire ressort fréquemment dans le débat qui oppose Juifs et Chrétiens autour de la personne du Messie Yéchoua’ et de l’identité de ses disciples. La tradition chrétienne, mais aussi, en miroir de celle-ci, le judaïsme, ont depuis longtemps formaté les esprits pour dresser un « mur » infranchissable entre le monde juif et l’univers de la chrétienté. Pour beaucoup, ces deux « sphères » sont aussi inconciliables que l’huile n’est soluble dans de l’eau. En réalité, le « pont » existe bien, mais le plus souvent, l’emprunter implique de ne rien pouvoir emporter et même de tout abandonner. Le Juif qui embrasse la foi chrétienne n’est plus juif et doit en conséquence quitter tout ce qui a trait à son « ancienne » identité.

Pour un christianisme qui plonge pourtant ses racines dans le judaïsme et qui partage même une large partie de ses Ecritures, c’est plutôt surprenant.  En réalité se dissimule derrière ce « mur » de séparation une conception théologique – la théologie dite du « remplacement » - qui soutient que l’Eglise est en quelque sorte le nouveau peuple de Dieu bénéficiant des promesses et se substituant ainsi au peuple d’Israël dans le projet divin. Dans cette perspective, ce qui relève de l’identité du peuple juif avant les évènements de la Pentecôte (Actes 2 marque pour la plupart des théologiens le début « officiel » de l’Eglise) fait partie à présent de l’histoire. Ce qui advient par la suite, toujours au milieu du peuple juif, ne s’inscrit plus dans une légitimité prophétique, voire s’oppose même à la nouvelle légitimité représentée par l’Eglise au sens spirituel et universel.

C’est ainsi que pour bien des Chrétiens et pour bien des Juifs, l’expression même « Juif messianique » relève d’un paradoxe, une « anomalie spirituelle » qui dépasse la lecture de leur propre foi. Ou l’on est juif et l’expression de sa piété épouse la pratique des Juifs et une foi (ou même une absence de foi) qui rejette la messianité de Yéchoua’ (Jésus) ; ou bien l’on est chrétien et sa foi s’inscrit dans la tradition chrétienne universelle et la proclamation de Jésus comme Fils de Dieu. La filiation au peuple d’Israël et l’appartenance à la communauté des croyants en Jésus apparaissent alors pour beaucoup comme une double allégeance inacceptable, troublante, à la limite de la déloyauté. On ne peut se réclamer de l’un et de l’autre à la fois.

Qu’il me soit permis à ce stade de rappeler que le Juif messianique est solidaire du peuple d’Israël et le plus souvent fortement attaché à sa communauté par ses institutions ou encore sa famille. Il cultive aussi, à l’instar de la communauté juive, un rapport étroit avec la nation et l’Etat d’Israël. Ceci étant, il est naturellement lié également à la communauté de l’Eglise et nourrit une fraternité avec les chrétiens. Le plus souvent il fréquentera une assemblée chrétienne ou une assemblée messianique. Cette double « appartenance » n’est pas contre nature, bien au contraire.

Le malaise ne viendrait-il pas au contraire de ce refus implicite, presque subliminal, chez les uns de  reconnaitre les racines juives de la foi en Yéchoua’ le Messie, du refus d’accepter le choix irrévocable de Dieu sur le peuple d’Israël, du refus de prendre sa propre place et de jouer son rôle de témoin auprès d’Israël… mais aussi chez les autres, du refus de reconnaitre qu’il n’y a pas de chemin plus naturel pour un Juif que d’embrasser la foi des prophètes et d’accepter le Messie juif Yéchoua’ comme son Sauveur et Seigneur, du refus d’accepter que Dieu veut aussi inclure pour les sauver les non-Juifs du monde entier et former avec eux un peuple qui l’honore et le glorifie ?...

L’heure n’est plus à se disputer pour savoir si un tel ou une tel est « plus » juif, « trop » juif ou « pas assez », ce en vertu de la manière visible dont il pratique sa foi. Cela constitue un débat stérile et sans réel objet. Viendra le temps où nous comparaitrons tous devant le tribunal de Dieu et la seule question qui prévaudra sera : Quelle considération avons-nous eu pour la mort et le sang du Messie versé pour le salut de l’humanité ?

La cacherout, l’observation des fêtes, du shabbat et de bien d’autres choses sont avant tout une question de conviction personnelle qui invite au respect mutuel et à une liberté que conditionne l’amour du prochain.

Les discussions autour du « trop » ou du « pas assez » ne sont que les manifestations d’une immaturité spirituelle, d’un manque d’amour pour l’autre. Cependant, en prendre conscience, c’est déjà commencer à emprunter le chemin de l’amour véritable, de la réconciliation entre Juifs et non Juifs et avec le Dieu créateur. Et le « dére’h » (chemin) porte un nom : Yéchoua’ Hamachia’h (Jésus le Messie).

G.A.

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